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LES ROUGON-MACQUART

Depuis ce matin, vous nous assommez avec vos bêtises… Vous manquez de tact, monsieur, oui, vous manquez absolument de tact ! On n’insiste pas sur de pareilles choses, un jour de mariage.

— Permettez, madame, murmura-t-il, ce sont mes affaires, ça ne vous regarde pas !

— Comment ! ça ne me regarde pas ? mais je suis de votre famille maintenant, monsieur, et croyez-vous que votre histoire m’amuse, à cause de ma fille ?… Ah ! vous lui avez fait de jolies noces ! Plus un mot, monsieur, vous manquez de tact !

Il resta éperdu, il regarda autour de lui, cherchant une aide. Mais ces dames témoignaient par leur froideur qu’elles le jugeaient avec une égale sévérité. C’était le mot, il manquait de tact ; car il y avait des circonstances où l’on devait avoir la force de refréner ses passions. Sa sœur elle-même le boudait. Comme il protestait encore, il souleva une révolte générale. Non, non, il n’avait rien à répondre, on ne se conduisait pas de la sorte !

Ce cri lui ferma la bouche. Il était si ahuri, si pauvre avec ses membres grêles et sa face de fille ratée, que ces dames eurent de légers sourires. Lorsqu’on manquait de ce qu’il faut pour rendre une femme heureuse, on ne se mariait pas. Hortense le pesait d’un regard de dédain ; la petite Angèle, qu’on oubliait, tournait autour de lui, de son air sournois, comme si elle eût cherché quelque chose ; et il recula avec embarras, il se mit à rougir, quand il les vit toutes, si grandes, si grosses, l’entourer de leurs fortes hanches. Mais elles sentaient la nécessité d’arranger l’affaire. Valérie s’était remise à sangloter, pendant que le docteur Juillerat lui tamponnait de nouveau les tempes. Alors, elles se comprirent sur un coup d’œil, un esprit commun de défense les rapprocha. Elles cher-