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POt-BOUILLE

chaient, elles tâchaient d’expliquer la lettre au mari.

— Parbleu ! murmura Trublot, qui venait de rejoindre Octave, ce n’est pas malin : on dit que la lettre est à la bonne.

Madame Josserand l’entendit. Elle se retourna, le regarda, pleine d’admiration. Puis, revenant vers Théophile :

— Est-ce qu’une femme innocente s’abaisse à donner des explications, quand on l’accuse avec votre brutalité ? Mais je puis parler, moi… La lettre a été perdue par Françoise, cette bonne que votre femme a dû chasser, à cause de sa mauvaise conduite… Là, êtes-vous content ? ne sentez-vous pas la honte vous monter au visage ?

D’abord, le mari haussa les épaules. Mais toutes ces dames restaient sérieuses, répondaient à ses objections avec une grande force de raisonnement. Il était ébranlé, lorsque, pour achever sa déroute, madame Duveyrier se fâcha, lui cria que sa conduite devenait abominable et qu’elle le reniait. Alors, vaincu, ayant besoin d’être embrassé, il se jeta au cou de Valérie, en lui demandant pardon. Ce fut touchant. Madame Josserand elle-même se montra très émue.

— Il vaut toujours mieux s’entendre, dit-elle, soulagée. Enfin, la journée ne finira pas trop mal.

Lorsqu’on eut rhabillé Valérie et qu’elle parut dans le bal, au bras de Théophile, il sembla qu’une joie plus large éclatait. Il était déjà près de trois heures, le monde commençait à partir ; mais l’orchestre enlevait les quadrilles avec une fièvre dernière. Des hommes souriaient, derrière le ménage réconcilié. Un mot médical de Campardon sur ce pauvre Théophile, remplit d’aise madame Juzeur. Les jeunes filles se pressaient, dévisageaient Valérie ; puis, elles prenaient des mines sottes, devant les coups d’œil scandalisés des mères.