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POT-BOUILLE

— Je le trouve préoccupé peut-être… Les travaux de Saint-Roch lui donnent du souci.

Mais elle hocha la tête, sans insister davantage. Puis, elle se montra très bonne pour Octave, l’interrogea comme de coutume sur l’emploi de sa journée, avec une affection de mère et de sœur. Depuis près de neuf mois qu’il mangeait chez eux, elle le traitait ainsi en enfant de la maison.

Enfin, l’architecte parut.

— Bonsoir, mon chat, bonsoir, ma cocotte, dit-il, en la baisant de son air passionné de bon mari. Encore un imbécile, qui m’a retenu une heure sur un trottoir !

Octave s’était écarté, et il les entendit échanger quelques mots à voix basse.

— Viendra-t-elle ?

— Non, à quoi bon ? et surtout ne te tourmente pas.

— Tu m’avais juré qu’elle viendrait.

— Eh bien ! oui, elle va venir. Es-tu contente ? C’est bien pour toi que je l’ai fait.

On se mit à table. Pendant tout le dîner, il fut question de la langue anglaise, que la petite Angèle apprenait depuis quinze jours. Campardon avait brusquement soutenu la nécessité de l’anglais pour une demoiselle ; et, comme Lisa sortait de chez une actrice qui revenait de Londres, chaque repas était employé à discuter les noms des plats qu’elle apportait. Ce soir-là, après de longs essais inutiles sur la prononciation du mot « rumsteack », il fallut remporter le rôti, oublié au feu par Victoire, et dur comme des semelles de botte.

On était au dessert, lorsqu’un coup de timbre fit tressaillir madame Campardon.

— C’est la cousine de madame, revint dire Lisa, du ton blessé d’une domestique qu’on a négligé de mettre dans une confidence de famille.