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LES ROUGON-MACQUART

Et Gasparine, en effet, entra. Elle était en robe de laine noire, très simple, avec son visage maigre et son air pauvre de fille de magasin. Rose, douillettement enveloppée dans son peignoir de soie crème, grasse et fraîche, se leva, si émue, que des larmes lui montaient aux paupières.

— Ah ! ma chère, murmura-t-elle, tu es bien gentille… Oublions tout, n’est-ce pas ?

Elle l’avait prise entre les bras, elle lui donna deux gros baisers. Octave, par discrétion, voulut partir. Mais on se fâcha : il pouvait rester, il était de la famille. Alors, il s’amusa à regarder la scène. Campardon, d’abord plein d’embarras, détournait les yeux des deux femmes, soufflant, cherchant un cigare ; tandis que Lisa, qui enlevait le couvert d’une main brutale, échangeait des coups d’œil avec Angèle étonnée.

— C’est ta cousine, dit enfin l’architecte à sa fille. Tu nous as entendus parler d’elle… Embrasse-la donc.

Elle l’embrassa de son air maussade, inquiète du regard d’institutrice dont Gasparine la déshabillait, après avoir posé des questions sur son âge et sur son éducation. Puis, lorsqu’on passa au salon, elle préféra suivre Lisa, qui fermait violemment la porte, en disant, sans même craindre d’être entendue :

— Ah bien ! ça va devenir drôle, ici !

Dans le salon, Campardon, toujours fiévreux, se mit à se défendre.

— Parole d’honneur ! la bonne idée n’est pas de moi… C’est Rose qui a voulu se réconcilier. Tous les matins, voici plus de huit jours, elle me répétait : Va donc la chercher… Alors, moi, j’ai fini par aller vous chercher.

Et, comme s’il eût senti le besoin de convaincre Octave, il l’emmena devant la fenêtre.

— Hein ? les femmes sont les femmes… Moi, ça