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LES ROUGON-MACQUART

sonner chez les Campardon, il tomba net sur l’architecte et sur Gasparine, en train de se baiser à pleine bouche dans l’antichambre. Celle-ci, qui arrivait du magasin, n’avait pas même pris le temps de refermer la porte. Tous deux restèrent saisis.

— Ma femme se donne un coup de peigne, balbutia Campardon pour dire quelque chose. Voyez-la donc.

Octave, aussi gêné qu’eux, se hâta d’aller frapper à la chambre de Rose, où il pénétrait d’habitude en parent. Décidément, il ne pouvait continuer de manger là, maintenant qu’il les surprenait derrière les portes.

— Entrez ! cria la voix de Rose. C’est vous, Octave… Oh ! il n’y a pas de mal.

Elle n’avait pourtant pas remis son peignoir, les épaules et les bras nus, d’une délicatesse et d’une blancheur de lait. Attentive devant la glace, elle roulait en petits frisons ses cheveux d’or. Tous les jours, pendant des heures, c’étaient ainsi des soins de toilette excessifs, une continue préoccupation à s’étudier les grains de la peau, à se parer, pour s’allonger ensuite sur une chaise longue, dans un luxe et une beauté d’idole sans sexe.

— Vous vous faites donc superbe encore ce soir, dit Octave en souriant.

— Mon Dieu ! puisque je n’ai que cette distraction, répondit-elle. Ça m’amuse… Vous savez, je n’ai jamais été femme de ménage ; et puis, à présent que Gasparine va être là… Hein ? les frisons m’avantagent. Ça me console un peu, quand je suis bien habillée et que je me sens jolie.

Comme le dîner n’était pas prêt, il conta son départ du Bonheur des Dames, il inventa une histoire, une autre situation guettée par lui depuis longtemps ; et il se réservait ainsi un prétexte, pour expliquer sa résolution de prendre ses repas ailleurs. Elle s’étonna qu’il pût