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LES ROUGON-MACQUART

n’y songeait. Hippolyte partit tout de suite, heureux de prendre l’air.

— Me laisser seule ! continua Clotilde. Moi, je ne sais pas, il doit y avoir toutes sortes d’affaires à régler… Ô mon pauvre père !

— Voulez-vous que je prévienne la famille ? offrit Octave. Je puis appeler vos deux frères… Ce serait prudent.

Elle ne répondit pas. Deux grosses larmes gonflaient ses yeux, pendant que Julie et Clémence tâchaient de déshabiller le vieillard. Puis, elle retint Octave : son frère Auguste était absent, ayant ce soir-là un rendez-vous ; et quant à Théophile, il ferait bien de ne pas monter, car sa vue seule achèverait leur père. Elle conta alors que celui-ci s’était présenté en face, chez ses enfants, pour toucher des termes arriérés ; mais ils l’avaient reçu brutalement, Valérie surtout, refusant de payer, réclamant la somme promise par lui, lors de leur mariage ; et l’attaque venait sans aucun doute de cette scène, car il était rentré dans un état pitoyable.

— Madame, fit remarquer Clémence, il a déjà un côté tout froid.

Ce fut, pour madame Duveyrier, un redoublement de colère. Elle ne parlait plus, de peur d’en trop dire en présence des bonnes. Son mari se moquait bien de leurs intérêts ! Si elle avait seulement connu les lois ! Et elle ne pouvait tenir en place, elle marchait devant le lit. Octave, distrait par la vue des fiches, regardait l’appareil formidable dont elles couvraient la table : c’était, dans une grande boîte de chêne, des séries de cartons méticuleusement classés, toute une vie de travail imbécile. Au moment où il lisait sur un de ces cartons : « Isidore Charbotel : Salon de 1857, Atalante ; Salon de 1859, le Lion d’Androclès ; Salon de 1861,