Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
247
POT-BOUILLE

convaincu, cher monsieur, la vertu est encore ce qu’il y a de meilleur.

Rue de la Cerisaie, la maison dormait, dans la solitude et le silence des trottoirs. Duveyrier resta surpris de ne pas voir de lumière aux fenêtres du troisième. Trublot disait, de son air sérieux, que Clarisse s’était sans doute couchée, pour les attendre ; ou peut-être, ajoutait Gueulin, faisait-elle un bézigue, dans la cuisine, en compagnie de sa bonne. Ils frappèrent. Le gaz de l’escalier brûlait avec la flamme droite et immobile d’une lampe de chapelle. Pas un bruit, pas un souffle. Mais, comme les quatre hommes passaient devant la loge du concierge, celui-ci sortit vivement.

— Monsieur, monsieur, la clef !

Duveyrier resta planté sur la première marche.

— Madame n’est donc pas là ? demanda-t-il.

— Non, monsieur… Et, attendez, il faut que vous preniez une bougie.

En lui donnant le bougeoir, le concierge laissa percer, sous le respect exagéré de sa face blême, tout un ricanement de blague canaille et féroce. Ni les jeunes gens, ni l’oncle, n’avaient dit un mot. Ce fut au milieu de ce silence, le dos rond, qu’ils montèrent l’escalier à la file, mettant le long des étages mornes le bruit interminable de leurs pas. En tête, Duveyrier, qui tâchait de comprendre, levait les pieds dans un mouvement mécanique de somnambule ; et la bougie, qu’il tenait d’une main tremblante, déroulait sur le mur l’étrange montée des quatre ombres, pareille à une procession de pantins cassés.

Au troisième, il fut pris d’une faiblesse, jamais il ne put trouver le trou de la serrure. Trublot lui rendit le service d’ouvrir. La clef, en tournant, eut un bruit sonore et répercuté, comme sous la voûte d’une cathédrale.