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LES ROUGON-MACQUART

— Fichtre ! murmura-t-il, ça n’a pas l’air habité, là dedans.

— Ça sonne le creux, dit Bachelard.

— Un petit caveau de famille, ajouta Gueulin.

Ils entrèrent. Duveyrier passa le premier, tenant la bougie haute. L’antichambre était vide, les patères elles-mêmes avaient disparu. Vide aussi le grand salon et vide le petit salon : plus un meuble, plus un rideau aux fenêtres, plus une tringle. Pétrifié, Duveyrier regardait à ses pieds, levait les yeux au plafond, faisait le tour des murs, comme s’il eût cherché le trou par lequel tout s’en était allé.

— Quel nettoyage ! laissa échapper Trublot.

— Peut-être qu’on répare, dit sans rire Gueulin. Faut voir la chambre à coucher. On y aura déménagé les meubles.

Mais la chambre était également nue, de cette nudité laide et glacée du plâtre, dont on a arraché les tentures. À la place du lit, les ferrures du baldaquin enlevées laissaient des trous béants ; et, une des fenêtres étant restée ent’rouverte, l’air de la rue avait mis là une humidité et une fadeur de place publique.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! bégaya Duveyrier, pouvant enfin pleurer, détendu par la vue de l’endroit où le frottement des matelas avait éraflé le papier peint.

L’oncle Bachelard se montra paternel.

— Du courage, monsieur ! répétait-il. Ça m’est arrivé, et je n’en suis pas mort… L’honneur est sauf, que diable !

Le conseiller secoua la tête et passa dans le cabinet de toilette, puis dans la cuisine. Le désastre continuait. On avait décollé la toile cirée du cabinet et dévissé les clous des planches de la cuisine.

— Non, ça, c’est trop, c’est de la fantaisie ! dit Gueulin, émerveillé. Elle aurait pu laisser les clous.