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LES ROUGON-MACQUART

Alors, si vous permettez… Il est troué, mais en y collant un papier à cigarette…

Il l’alluma à la bougie que le conseiller tenait toujours ; et, se laissant glisser le long d’un mur :

— Tant pis ! je m’assois un peu par terre… J’ai les jambes qui me rentrent dans le corps.

— Enfin, demanda Duveyrier, expliquez-moi où elle peut être ?

Bachelard et Gueulin se regardèrent. C’était délicat. Pourtant, l’oncle prit une décision virile, et il conta tout au pauvre homme, les farces de Clarisse, ses continuelles culbutes, les amants qu’elle ramassait derrière lui, à chacune de leurs soirées. Certainement, elle avait dû filer avec le dernier, le gros Payan, ce maçon dont une ville du Midi voulait faire un artiste. Duveyrier écoutait ces abominations d’un air d’horreur. Il laissa échapper ce cri désespéré :

— Il n’y a plus d’honnêteté sur terre !

Et, dans une brusque expansion, il dit ce qu’il avait fait pour elle. Il parla de son âme, l’accusa d’ébranler sa foi aux meilleurs sentiments de l’existence, cachant naïvement sous cette douleur sentimentale le désarroi de ses gros appétits. Clarisse lui était devenue nécessaire. Mais il la retrouverait, dans le seul but de la faire rougir de son procédé, disait-il, et pour voir si son cœur avait perdu toute noblesse.

— Laissez donc ! cria Bachelard que l’infortune du conseiller enchantait, elle vous jobardera encore… Il n’y a que la vertu, entendez-vous ! Prenez-moi une petite sans malice, innocente comme l’enfant qui vient de naître… Alors, il n’y a pas de danger, on dort tranquille.

Cependant, Trublot fumait contre le mur, les jambes allongées. Il se reposait gravement, on l’oubliait.

— Si ça vous démange, je saurai l’adresse, dit-il. Je connais la bonne.