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POT-BOUILLE

de laine. Et il s’en alla, parce qu’il avait un rendez-vous à Saint-Roch, avec l’abbé Mauduit.

— Ma femme se plaint de vous, dit-il à Octave, en se retournant, après avoir descendu trois marches. Entrez donc causer de temps à autre.

Madame Juzeur retenait le jeune homme.

— Et moi, comme vous me négligez ! Je croyais que vous m’aimiez un peu… Quand vous viendrez, je vous ferai goûter une liqueur des îles, oh ! quelque chose de délicieux !

Il promit, il se hâta de gagner le vestibule. Mais, avant d’arriver à la petite porte du magasin, ouvrant sous la voûte il dut encore traverser tout un groupe de bonnes. Celles-là distribuaient la fortune du moribond. Tant pour madame Clotilde, tant pour monsieur Auguste, tant pour monsieur Théophile. Clémence disait des chiffres, carrément ; elle les connaissait bien, car elle les tenait d’Hippolyte, lequel avait vu l’argent dans un meuble. Julie pourtant les discutait. Lisa racontait comment son premier maître, un vieux monsieur, l’avait flouée, en crevant sans même lui laisser son linge sale ; tandis que, les bras ballants, la bouche ouverte, Adèle écoutait ces histoires d’héritage, qui faisaient crouler devant elle des piles gigantesques de pièces de cent sous. Et, sur le trottoir, l’air solennel, M. Gourd causait avec le papetier d’en face. Pour lui, le propriétaire n’était même plus.

— Moi, ce qui m’intéresse, disait-il, c’est de savoir qui prend la maison… Ils ont tout partagé, très bien ! mais la maison, ils ne peuvent pas la couper en trois.

Octave enfin entra dans le magasin. La première personne qu’il vit, assise devant la caisse, fut madame Josserand, déjà coiffée, frottée, sanglée, sous les armes. Près d’elle, Berthe, descendue sans doute à la hâte, dans le négligé charmant d’un peignoir, parais-