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POT-BOUILLE

embarrassée. Tu sais qu’il devait, comme vous, donner seulement dix mille francs tous les six mois… Nous n’y sommes pas encore, le mieux est d’attendre.

— Attendre ! attendre qu’il revienne pour te les apporter, peut-être !… Grande cruche, tu veux donc qu’on te vole !… Non, non ! tu vas les exiger tout de suite sur la succession. Nous autres, nous sommes vivants, Dieu merci ! On ignore si nous paierons ou si nous ne paierons pas ; mais lui, puisqu’il est mort, il faut qu’il paie.

Et elle fit jurer à sa fille de ne pas céder, car elle n’avait jamais donné à personne le droit de la prendre pour une bête. Tout en s’emportant, elle tendait parfois l’oreille vers le plafond, comme si elle eût voulu entendre, à travers l’entresol, ce qui se passait au premier étage, chez les Duveyrier. La chambre du vieux devait se trouver juste sur sa tête. Auguste était bien monté auprès de son père, dès qu’elle l’avait mis au courant de la situation. Mais cela ne la tranquillisait pas, elle rêvait d’y être, elle imaginait des trames compliquées.

— Vas-y donc ! finit-elle par crier, dans un élan de tout son cœur. Auguste est trop faible, ils sont encore en train de le ficher dedans !

Alors, Berthe monta. Octave, qui faisait l’étalage, les avait écoutées. Quand il se vit seul avec madame Josserand, et qu’elle se dirigea vers la porte, il lui demanda, dans l’espoir d’un jour de congé, s’il ne serait pas convenable de fermer le magasin.

— Pourquoi donc ? dit-elle. Attendez qu’il soit mort. Ce n’est pas la peine de manquer la vente.

Puis, comme il plissait un coupon de soie ponceau, elle ajouta, pour rattraper la dureté de sa phrase :

— Seulement, vous pourriez bien, il me semble, ne pas mettre du rouge à l’étalage.

Au premier, Berthe trouva Auguste près de son père.