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LES ROUGON-MACQUART

Même cette manœuvre était une preuve qu’il ne devait pas exister de testament ; et les regards des Vabre allaient furtivement à un vieux coffre-fort, la caisse de l’ancien notaire, qu’il avait apportée de Versailles et fait sceller dans un coin de sa chambre. Il y enfermait, par manie, tout un monde d’objets. Sans doute les Duveyrier s’étaient empressés de fouiller cette caisse, pendant la nuit. Théophile rêvait de leur tendre un piège, pour les faire parler.

— Dites donc, vint-il murmurer enfin à l’oreille du conseiller, si l’on avertissait le notaire… Papa peut vouloir changer ses dispositions.

Duveyrier n’entendit pas d’abord. Comme il s’ennuyait beaucoup dans cette chambre, il avait laissé toute la nuit sa pensée retourner vers Clarisse. Décidément, le plus sage serait de se remettre avec sa femme ; mais l’autre était si drôle, quand elle envoyait sa chemise par-dessus sa tête, d’un geste de gamin ; et, les yeux vagues, fixés sur le moribond, il la revoyait ainsi, il aurait tout donné pour la posséder encore, rien qu’une fois. Théophile dut répéter sa question.

— J’ai interrogé monsieur Renaudin, répondit alors le conseiller effaré. Il n’y a pas de testament.

— Mais ici ?

— Pas plus ici que chez le notaire.

Théophile regarda Auguste : était-ce évident ? les Duveyrier avaient fouillé les meubles. Clotilde saisit ce regard et s’irrita contre son mari. Qu’avait-il donc ? est-ce que la douleur l’endormait ? Et elle ajouta :

— Papa a fait ce qu’il a dû faire, bien sûr… Nous le saurons toujours trop tôt, mon Dieu !

Elle pleurait. Valérie et Berthe, gagnées par sa douleur, se mirent aussi à sangloter doucement. Théophile avait regagné sa chaise sur la pointe des pieds. Il savait ce qu’il voulait savoir. Certainement, si son