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LES ROUGON-MACQUART

pu parler, aurait certainement consenti, car il n’aimait à se faire remarquer en rien. D’ailleurs, ces dames prenaient tout sur elles.

— Quand ce ne serait que pour le quartier, répétait Clotilde.

— Sans doute, dit l’abbé Mauduit qui approuva vivement. Un homme dans la situation de monsieur votre père doit le bon exemple.

Auguste restait sans opinion. Mais Duveyrier, tiré de ses souvenirs sur Clarisse, dont il se rappelait justement la façon d’enfiler ses bas, une cuisse en l’air, réclama les sacrements avec violence. Il les fallait, pas un membre de sa famille ne mourait sans eux. Le docteur Juillerat, qui s’était écarté par discrétion, évitant même de laisser percer son dédain de libre penseur, s’approcha alors du prêtre et lui dit tout bas, familièrement, comme à un collègue, souvent rencontré dans des occasions pareilles :

— Ça presse, dépêchez-vous.

Le prêtre se hâta de partir. Il annonçait qu’il apporterait la communion et l’extrême-onction, pour parer aux éventualités. Et Théophile, avec son entêtement, murmura :

— Ah bien ! si, maintenant, ils font communier les morts malgré eux !

Mais, tout de suite, il y eut une forte émotion. En reprenant sa place, Clotilde avait trouvé le mourant les yeux grands ouverts. Elle ne put retenir un léger cri ; la famille accourut, et les yeux du vieillard, lentement, firent le tour du cercle, sans que la tête remuât. Le docteur Juillerat, d’un air d’étonnement, vint se pencher au chevet, pour suivre cette crise suprême.

— Mon père, c’est nous, vous nous reconnaissez ? demanda Clotilde.

M. Vabre la regarda fixement ; puis, ses lèvres