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LES ROUGON-MACQUART

souffles d’orgues sortaient de l’église, tendue de noir, étoilée de cierges.

— Vous savez que monsieur Thiers se portera l’an prochain dans notre circonscription, annonça Léon Josserand de son air grave.

— Ah ! dit le docteur. Vous ne voterez sans doute pas pour lui, vous, un républicain ?

Le jeune homme dont les opinions se refroidissaient, à mesure que madame Dambreville le répandait davantage, répondit sèchement :

— Pourquoi pas ?… Il est l’adversaire déclaré de l’empire.

Alors, une grosse discussion s’engagea. Léon parlait de tactique, le docteur Juillerat s’entêtait dans les principes. Selon ce dernier, la bourgeoisie avait fait son temps ; elle était un obstacle sur le chemin de la révolution ; depuis qu’elle possédait, elle barrait l’avenir, avec plus d’obstination et d’aveuglement que l’ancienne noblesse.

— Vous avez peur de tout, vous vous jetez à la pire réaction, dès que vous vous croyez menacés !

Du coup, Campardon se fâcha.

— Moi, monsieur, j’ai été jacobin et athée comme vous. Mais, Dieu merci ! la raison m’est venue… Non, je n’irai même pas jusqu’à votre monsieur Thiers. Un brouillon, un homme qui s’amuse à des idées !

Cependant, tous les libéraux présents, M. Josserand, Octave, Trublot même qui s’en fichait, déclarèrent qu’ils voteraient pour M. Thiers. Le candidat officiel était un grand chocolatier de la rue Saint-Honoré, M. Dewinck, qu’ils plaisantèrent beaucoup. Ce M. Dewinck n’avait pas même l’appui du clergé, que ses attaches avec les Tuileries inquiétaient. Campardon, décidément passé aux prêtres, accueillait son nom avec réserve. Puis, sans transition, il s’écria :