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POT-BOUILLE

— Fichtre ! déclara le papetier, elle se met bien, l’autre madame Campardon !

Il l’appelait ainsi, innocemment, du nom que tous les fournisseurs du quartier lui donnaient. Lisa étouffa un rire. Mais il y eut une grosse déception. Brusquement, les bonnes surent qu’on avait descendu le corps. Aussi, c’était bête, d’être restées dans cette rue, à contempler le drap ! Elles rentrèrent vite ; et le corps, en effet, sortait du vestibule, porté par quatre hommes. Les tentures assombrissaient le porche, on voyait au fond le jour blanc de la cour, lavée le matin à grande eau. Seule, la petite Louise, qui avait filé derrière madame Juzeur, se haussait sur les pieds, les yeux ronds, dans une curiosité blême. Les porteurs soufflaient au bas de l’escalier, dont les dorures et les faux-marbres prenaient une dignité froide sous la lumière morte des vitres dépolies.

— Le v’là parti sans toucher ses quittances ! murmura Lisa, avec la blague haineuse d’une fille de Paris contre les propriétaires.

Alors, madame Gourd, qui était restée dans son fauteuil, clouée là par ses mauvaises jambes, se leva péniblement. Puisqu’elle ne pouvait même aller à l’église, M. Gourd lui avait bien recommandé de ne pas laisser passer le propriétaire devant la loge, sans le saluer. Cela se devait. Elle vint jusqu’à la porte, en bonnet de deuil, et lorsque le propriétaire passa, elle le salua.

À Saint-Roch, pendant la cérémonie, le docteur Juillerat affecta de ne pas entrer dans l’église. D’ailleurs, il y avait foule, tout un groupe d’hommes préféra rester sur les marches. Il faisait très doux, une journée superbe de juin. Et, comme ils ne pouvaient fumer, leur conversation tomba sur la politique. La grand’porte demeurait ouverte, par moments de grands