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POt-BOUILLE

— Je ne souffrirai pas que vous insultiez maman !

Auguste haussait les épaules.

— Votre mère ! mais, tenez ! vous lui ressemblez, vous devenez laide, quand vous vous mettez dans cet état… Oui, je ne vous reconnais plus, c’est elle qui revient. Ma parole, ça me fait peur !

Du coup, Berthe se calma, et le regardant en face :

— Allez donc dire à maman ce que vous disiez tout à l’heure, pour voir comment elle vous flanquera dehors.

— Ah ! elle me flanquera dehors ! cria le mari furieux. Eh bien ! je monte le lui dire tout de suite.

En effet, il se dirigea vers la porte. Il était temps qu’il sortît, car Saturnin, avec ses yeux de loup, s’avançait traîtreusement pour l’étrangler par-derrière. La jeune femme venait de se laisser tomber sur une chaise, où elle murmurait à demi-voix :

— Ah ! grand Dieu ! en voilà un que je n’épouserais pas, si c’était à refaire !

En haut, M. Josserand, très surpris, vint ouvrir, Adèle étant déjà montée se coucher. Comme il s’installait justement pour passer la nuit à faire des bandes, malgré des malaises dont il se plaignait depuis quelque temps, ce fut avec un embarras, une honte d’être découvert, qu’il introduisit son gendre dans la salle à manger ; et il parla d’un travail pressé, une copie du dernier inventaire de la cristallerie Saint-Joseph. Mais, lorsque, nettement, Auguste accusa sa fille, lui reprocha des dettes, raconta toute la querelle amenée par l’histoire des faux cheveux, les mains du bonhomme furent prises d’un tremblement ; il bégayait, frappé au cœur, les yeux pleins de larmes. Sa fille endettée, vivant comme il avait vécu lui-même, au milieu de continuelles scènes de ménage ! Tout le malheur de sa vie allait donc recommencer dans son