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LES ROUGON-MACQUART

enfant ! Et une autre crainte le glaçait, il redoutait à chaque minute d’entendre son gendre aborder la question d’argent, réclamer la dot, en le traitant de voleur. Sans doute le jeune homme savait tout, pour tomber ainsi chez eux, à onze heures passées.

— Ma femme se couche, balbutiait-il, la tête perdue. Il est inutile de la réveiller, n’est-ce pas ?… Vraiment, vous m’apprenez des choses ! Cette pauvre Berthe n’est pourtant pas méchante, je vous assure. Ayez de l’indulgence. Je lui parlerai… Quant à nous, mon cher Auguste, nous n’avons rien fait, je crois, qui puisse vous mécontenter…

Et il le tâtait du regard, rassuré, voyant qu’il ne devait rien savoir encore, lorsque madame Josserand parut sur le seuil de la chambre à coucher. Elle était en toilette de nuit, toute blanche, terrible. Auguste, très excité pourtant, recula. Sans doute, elle avait écouté à la porte, car elle débuta par un coup droit.

— Ce ne sont pas, je pense, vos dix mille francs que vous réclamez ? Plus de deux mois encore nous séparent de l’échéance… Dans deux mois, nous vous les donnerons, monsieur. Nous ne mourons pas, nous autres, pour échapper à nos promesses.

Cet aplomb superbe acheva d’accabler M. Josserand. D’ailleurs, madame Josserand continuait, ahurissait son gendre par des déclarations extraordinaires, sans lui laisser le temps de parler.

— Vous n’êtes pas fort, monsieur. Lorsque vous aurez rendu Berthe malade, il faudra appeler le docteur, ça coûtera de l’argent chez le pharmacien, et c’est encore vous qui serez le dindon… Tout à l’heure, je me suis en allée, quand je vous ai vu décidé à commettre une sottise. À votre aise ! battez votre femme, mon cœur de mère est tranquille, car Dieu veille, et la punition ne se fait jamais attendre !