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POT-BOUILLE

étiez là, vous avez entendu… Pour quatre-vingt-quinze francs de cheveux ! Comme si toutes les femmes n’en portaient pas, des cheveux, aujourd’hui… Mais lui ne sait rien, ne comprend rien. Il ne connaît pas plus les femmes que le Grand Turc, il n’en a jamais eu, non jamais, monsieur Octave !… Ah ! je suis bien malheureuse !

Elle disait tout, dans la fièvre de sa rancune. Un homme qu’elle prétendait avoir épousé par amour, et qui bientôt lui refuserait des chemises ! Est-ce qu’elle ne remplissait pas ses devoirs ? est-ce qu’il trouvait seulement une négligence à lui reprocher ? Certes, s’il ne s’était pas mis en colère, le jour où elle lui avait demandé des cheveux, elle n’aurait jamais été réduite à en acheter sur sa bourse ! Et, pour les plus petites bêtises, la même histoire recommençait : elle ne pouvait témoigner une envie, souhaiter le moindre objet de toilette, sans se heurter contre des maussaderies féroces. Naturellement, elle avait sa fierté, elle ne demandait plus rien, aimait mieux manquer du nécessaire que de s’humilier sans résultat. Ainsi, elle désirait follement, depuis quinze jours, une parure de fantaisie, vue avec sa mère à la vitrine d’un bijoutier du Palais-Royal.

— Vous savez, trois étoiles de strass pour être piquées dans les cheveux… Oh ! une babiole, cent francs, je crois… Eh bien ! j’ai eu beau en parler du matin au soir, si vous croyez que mon mari a compris !

Octave n’aurait osé compter sur une pareille occasion. Il brusqua les choses.

— Oui, oui, je sais. Vous en avez parlé plusieurs fois devant moi… Et, mon Dieu ! madame, vos parents m’ont si bien reçu, vous m’avez accueilli vous-même avec tant d’obligeance, que j’ai cru pouvoir me permettre…