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LES ROUGON-MACQUART

En parlant, il sortait de sa poche une boîte longue, où les trois étoiles luisaient sur un morceau d’ouate. Berthe s’était levée, très émue.

— Mais c’est impossible ! monsieur. Je ne veux pas… Vous avez eu le plus grand tort.

Lui, se montrait naïf, inventait des prétextes. Dans le Midi, ça se faisait parfaitement. Et puis, des bijoux sans aucune valeur. Elle, toute rose, ne pleurait plus, les yeux sur la boîte, rallumés aux étincelles des pierres fausses.

— Je vous en prie, madame… Un bon mouvement pour me prouver que vous êtes content de mon travail.

— Non, vraiment, monsieur Octave, n’insistez pas… Vous me faites de la peine.

Saturnin avait reparu ; et, en extase, comme devant un reliquaire, il regardait les bijoux. Mais sa fine oreille entendit les pas d’Auguste, qui revenait. Il avertit Berthe d’un léger claquement de langue. Alors, celle-ci se décida, juste au moment où son mari entrait.

— Eh bien ! écoutez, murmura-t-elle rapidement en fourrant la boîte dans sa poche, je dirai que c’est ma sœur Hortense qui m’en a fait cadeau.

Auguste donna l’ordre d’éteindre le gaz, puis il monta avec elle se coucher, sans ajouter un mot sur la querelle, heureux au fond de la trouver remise, très gaie, comme s’il ne s’était rien passé entre eux. Le magasin tombait à une nuit profonde ; et, au moment où Octave se retirait aussi, il sentit dans l’obscurité des mains brûlantes serrer les siennes, à les briser. C’était Saturnin, qui couchait au fond du sous-sol.

— Ami… ami… ami, répétait le fou, avec un élan de sauvage tendresse.

Déconcerté dans ses calculs, Octave, peu à peu, se prenait pour Berthe d’un jeune et ardent désir. S’il