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LES ROUGON-MACQUART

demandait s’il ne devait pas la prendre dans ses bras ; mais la peur d’être refusé encore, le faisait défaillir. Elle, muette, le regardait toujours de son air décidé, le front coupé d’une mince ride qui se creusait.

— Mon Dieu ! poursuivait-il, balbutiant, il faut de la patience… Votre mari n’est pas méchant… Si vous savez le prendre, il vous donnera ce que vous voudrez…

Et tous deux, derrière le vide de ces paroles, sentaient la même pensée les envahir. Ils étaient seuls, libres, à l’abri de toute surprise, le verrou poussé. Cette sécurité, la tiédeur enfermée de la chambre, les pénétraient. Cependant, il n’osait pas ; son côté féminin, son sens de la femme s’affinait à cette minute de passion, au point de faire de lui la femme, dans leur approche. Alors, elle, comme si elle se fût souvenue d’anciennes leçons, laissa tomber son mouchoir.

— Oh ! pardon, dit-elle au jeune homme qui le ramassait.

Leurs doigts s’effleurèrent, ils furent rapprochés par cet attouchement d’une seconde. Maintenant, elle souriait tendrement, elle avait la taille souple, se rappelant que les hommes détestent les planches. On ne faisait pas la niaise, on permettait les enfantillages, sans en avoir l’air, si l’on voulait en pêcher un.

— Voilà la nuit qui vient, reprit-elle, en allant pousser la fenêtre.

Il la suivit, et là, dans l’ombre des rideaux, elle lui abandonna sa main. Elle riait plus fort, l’étourdissait de son rire perlé, l’enveloppait de ses jolis gestes ; et, comme il s’enhardissait enfin, elle renversa la tête, dégagea son cou, montra son cou jeune et délicat, tout gonflé de sa gaieté. Éperdu, il la baisa sous le menton.

— Oh ! monsieur Octave ! dit-elle, confuse, en affec-