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POT-BOUILLE

tant de le remettre à sa place d’une façon gentille.

Mais il l’empoigna, la jeta sur le lit qu’elle venait d’ouvrir ; et, dans son désir contenté, toute sa brutalité reparut, le dédain féroce qu’il avait de la femme, sous son air d’adoration câline. Elle, silencieuse, le subit sans bonheur. Quand elle se releva, les poignets cassés, la face contractée par une souffrance, tout son mépris de l’homme était remonté dans le regard noir qu’elle lui jeta. Un silence régnait. On entendait seulement, derrière la porte, Saturnin faisant reluire les bottes du mari, à larges coups de brosse réguliers.

Cependant, Octave, dans l’étourdissement de son triomphe, songeait à Valérie et à madame Hédouin. Enfin, il était donc autre chose que l’amant de la petite Pichon ! C’était comme une réhabilitation à ses yeux. Puis, devant un mouvement pénible de Berthe, il éprouva un peu de honte, la baisa avec une grande douceur. Elle se remettait d’ailleurs, reprenait son visage d’insouciance résolue. D’un geste, elle sembla dire : « Tant pis ! c’est fait. » Mais elle sentit ensuite le besoin d’exprimer une pensée mélancolique.

— Si vous m’aviez épousée ! murmura-t-elle.

Il resta surpris, inquiet presque ; ce qui ne l’empêcha pas de murmurer, en la baisant encore :

— Oh ! oui, comme ce serait bon !

Le soir, le dîner avec les Josserand fut d’un charme infini. Berthe jamais ne s’était montrée si douce. Elle ne dit pas un mot de la querelle à ses parents, elle accueillit son mari d’un air de soumission. Celui-ci, enchanté, prit Octave à part pour le remercier ; et il y apportait tant de chaleur, il lui serrait les mains en témoignant une si vive reconnaissance, que le jeune homme en fut gêné. D’ailleurs, tous l’accablaient de leur tendresse. Saturnin, très convenable à table, le regardait