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POt-BOUILLE

— À propos, mon cher, vous savez que Duveyrier a retrouvé…

Il allait nommer Clarisse. Mais il se rappela la présence d’Angèle, et il ajouta, en jetant un regard oblique vers sa fille :

— Il a retrouvé sa parente, vous savez.

Et, par des pincements de lèvres, des clignements d’yeux, il se fit enfin comprendre d’Octave, qui ne saisissait pas du tout.

— Oui, Trublot que j’ai rencontré, m’a dit ça. Avant-hier, comme il pleuvait à torrents, Duveyrier entre sous une porte, et qu’est-ce qu’il aperçoit ? sa parente en train de secouer son parapluie… Trublot, justement, la cherchait depuis huit jours, pour la lui rendre.

Angèle avait modestement baissé les yeux sur son assiette, en avalant de grosses bouchées. La famille, d’ailleurs, sauvegardait la décence des mots, avec rigidité.

— Est-elle bien, sa parente ? demanda Rose à Octave.

— C’est selon, répondit celui-ci. Il faut les aimer comme ça.

— Elle a eu l’audace de venir un jour au magasin, dit Gasparine, qui, malgré sa maigreur, détestait les gens maigres. On me l’a montrée… Un vrai haricot.

— N’importe, conclut l’architecte, voilà Duveyrier repincé… C’est sa pauvre femme…

Il voulait dire que Clotilde devait être soulagée et ravie. Seulement, il se souvint une seconde fois d’Angèle, il prit un air dolent pour déclarer :

— On ne s’entend pas toujours entre parents… Mon Dieu ! dans chaque famille, il y a des contrariétés.

Lisa, de l’autre côté de la table, une serviette sur le bras, regardait Angèle, et celle-ci, prise d’un fou rire, se hâta de boire, longuement, le nez caché dans le verre.