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LES ROUGON-MACQUART

Un peu avant dix heures, Octave prétexta une grande fatigue pour monter à sa chambre. Malgré les attendrissements de Rose, il était mal à l’aise dans ce milieu bonhomme, où il sentait croître sans cesse contre lui l’hostilité de Gasparine. Il ne lui avait rien fait pourtant. Elle le détestait comme joli homme, elle le soupçonnait d’avoir toutes les femmes de la maison, et cela l’exaspérait, sans qu’elle le désirât le moins du monde, cédant seulement, devant son bonheur, à une colère instinctive de femme dont la beauté s’était séchée trop vite.

Dès qu’il fut parti, la famille parla de se coucher. Rose, chaque soir, avant de se mettre au lit, passait une heure dans son cabinet de toilette. Elle procéda à un débarbouillage complet, se trempa de parfums, puis se coiffa, s’examina les yeux, la bouche, les oreilles, et se fit même un signe sous le menton. La nuit, elle remplaçait son luxe de peignoirs par un luxe de bonnets et de chemises. Elle choisit, pour cette nuit-là, une chemise et un bonnet garnis de valenciennes. Gasparine l’avait aidée, lui donnant les cuvettes, épongeant derrière elle l’eau répandue, la frottant avec un linge, petits soins intimes dont elle s’acquittait beaucoup mieux que Lisa.

— Ah ! je suis bien ! dit enfin Rose, allongée, pendant que la cousine bordait les draps et remontait le traversin.

Et elle riait d’aise, toute seule au milieu du grand lit. Dans ses dentelles, avec son corps douillet, délicat et soigné, on eût dit une belle amoureuse, attendant l’homme de son cœur. Quand elle se sentait jolie, elle dormait mieux, disait-elle. Puis, elle n’avait plus que ce plaisir.

— Ça y est ? demanda Campardon en entrant. Eh bien ! bonne nuit, mon chat.