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POT-BOUILLE

Lui, prétendait avoir à travailler. Il veillerait encore. Mais elle se fâchait, elle voulait qu’il prît un peu de repos : c’était stupide, de se tuer de la sorte !

— Entends-tu, couche-toi… Gasparine, promets-moi de le faire coucher.

La cousine, qui venait de poser sur la table de nuit un verre d’eau sucrée et un roman de Dickens, la regardait. Sans répondre, elle se pencha, elle laissa échapper :

— Tu es gentille comme tout, ce soir !

Et elle lui mit deux baisers sur les joues, les lèvres sèches, la bouche amère, dans une résignation de parente laide et pauvre. Campardon, lui aussi, regardait sa femme, le sang à la peau, crevant d’une digestion pénible. Ses moustaches eurent un petit tremblement, il la baisa à son tour.

— Bonne nuit, ma cocotte.

— Bonne nuit, mon chéri… Mais, tu sais, couche-toi tout de suite.

— N’aie donc pas peur ! dit Gasparine. Si, à onze heures, il ne dort pas, je me lèverai et j’éteindrai sa lampe.

Vers onze heures, Campardon, qui bâillait sur un chalet suisse, une fantaisie d’un tailleur de la rue Rameau, se déshabilla lentement en songeant à Rose, si gentille et si propre ; puis, après avoir défait son lit, pour les bonnes, il alla retrouver Gasparine dans le sien. Ils y dormaient fort mal, trop à l’étroit, gênés par leurs coudes. Lui surtout, réduit à se tenir en équilibre au bord du sommier, avait une cuisse coupée, le matin.

Au même instant, comme Victoire était montée, sa vaisselle finie, Lisa vint, selon son habitude, voir si mademoiselle ne manquait de rien. Angèle, couchée, l’attendait ; et c’étaient ainsi, chaque soir, en cachette