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LES ROUGON-MACQUART

dégager. Vous n’êtes pas raisonnable, vous allez me faire de la peine… Maintenant que vous en aimez une autre, à quoi bon me tourmenter encore ?

Elle se défendait ainsi de son air doux et las, répugnant simplement à des choses qui ne l’amusaient guère. Mais il devenait fou, il la serrait davantage, il baisait sa gorge à travers l’étoffe rude de sa robe de laine.

— C’est toi que j’aime, tu ne peux comprendre… Tiens ! sur ce que j’ai de plus sacré, je ne mens pas. Ouvre-moi donc le cœur pour voir… Oh ! je t’en prie, sois gentille ! Encore cette fois, et puis jamais, jamais, si tu l’exiges ! Aujourd’hui, vois-tu, tu me ferais trop de peine, j’en mourrais.

Alors, Marie fut sans force, paralysée par cette volonté d’homme qui s’imposait. C’était à la fois, chez elle, de la bonté, de la peur et de la bêtise. Elle eut un mouvement, comme pour emporter d’abord dans la chambre Lilitte endormie. Mais il la retint, craignant qu’elle ne réveillât l’enfant. Et elle s’abandonna à cette même place, où elle lui était tombée entre les bras, l’autre année, en femme obéissante. La paix de la maison, à cette heure de nuit, mettait un silence bourdonnant dans la petite pièce. Brusquement, la lampe baissa, et ils allaient se trouver sans lumière, lorsque Marie, se relevant, eut le temps de la remonter.

— Tu m’en veux ? demanda Octave avec une tendre reconnaissance, encore brisé d’un bonheur tel qu’il n’en avait jamais éprouvé.

Elle lâcha la lampe, lui rendit un dernier baiser de ses lèvres froides, en répondant :

— Non, puisque ça vous a fait plaisir… Mais ce n’est pas bien tout de même, à cause de cette personne. Avec moi, ça ne signifie plus rien.