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LES ROUGON-MACQUART

elle affecta de se fâcher, en apercevant sur la table une boîte, où elle devina tout de suite le châle de dentelle, dont elle parlait depuis huit jours.

— Je m’en vais, dit-elle sans quitter sa chaise.

— Comment, tu t’en vas ?

— Est-ce que tu crois que je me vends ? Tu me blesses toujours, tu me gâtes encore tout mon bonheur, cette nuit… Pourquoi l’as-tu acheté, lorsque je te l’avais défendu ?

Elle se leva, finit par consentir à le regarder. Mais, la boîte ouverte, elle éprouva une telle déception, qu’elle ne put retenir ce cri indigné :

— Comment ! ce n’est pas du chantilly, c’est du lama !

Octave, qui réduisait ses cadeaux, avait cédé à une pensée d’avarice. Il tâcha de lui expliquer qu’il y avait du lama superbe, aussi beau que du chantilly ; et il faisait l’article, comme s’il s’était trouvé derrière son comptoir, la forçait à toucher la dentelle, lui jurait que jamais elle n’en verrait la fin. Mais elle hochait la tête, elle l’arrêta d’un mot de mépris.

— Enfin, ça coûte cent francs, tandis que l’autre en aurait coûté trois cents.

Et, le voyant pâlir, elle ajouta pour rattraper sa phrase :

— Tu es bien gentil tout de même, je te remercie… Ce n’est pas l’argent qui fait le cadeau, quand la bonne intention y est.

Elle s’était assise de nouveau. Il y eut un silence. Lui, au bout d’un instant, demanda si l’on n’allait pas se coucher. Sans doute, on allait se coucher. Seulement, elle était encore tant remuée par sa bête de peur dans l’escalier ! Et elle revint à ses craintes, au sujet de Rachel, elle raconta comment elle avait trouvé Auguste causant avec la bonne, derrière une porte. Pour-