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LES ROUGON-MACQUART

Elle s’était allongée près de lui, sous le drap, et elle allait répondre du même ton exaspéré, lorsque des coups de poing s’abattirent dans la porte. Ils restèrent saisis, sans comprendre d’abord, immobiles et glacés. Une voix sourde disait :

— Ouvrez, je vous entends bien faire vos saletés… Ouvrez ou j’enfonce tout !

C’était la voix du mari. Les amants ne bougeaient toujours pas, la tête emplie d’un tel bourdonnement, qu’ils n’avaient plus une idée ; et ils se sentaient très froids l’un contre l’autre, comme morts. Berthe enfin sauta du lit, dans le besoin instinctif de fuir son amant, pendant que, derrière la porte, Auguste répétait :

— Ouvrez !… ouvrez donc !

Alors, il y eut une terrible confusion, une angoisse inexprimable. Berthe tournait dans la chambre, éperdue, cherchant une issue, avec une peur de la mort qui la blêmissait. Octave, dont le cœur sautait à chaque coup de poing, était allé s’appuyer contre la porte, machinalement, comme pour la consolider. Cela devenait intolérable, cet imbécile réveillerait toute la maison, il fallait ouvrir. Mais, quand elle comprit sa résolution, elle se pendit à ses bras, en le suppliant de ses yeux terrifiés : non, non, grâce ! l’autre tomberait sur eux avec un pistolet ou un couteau. Lui, aussi pâle qu’elle, gagné par son épouvante, avait enfilé un pantalon, en la suppliant à demi-voix de s’habiller. Elle n’en faisait rien, elle restait nue, sans pouvoir même trouver ses bas. Et, pendant ce temps, le mari s’acharnait.

— Vous ne voulez pas, vous ne répondez pas… C’est bien, vous allez voir.

Depuis le dernier terme, Octave demandait au propriétaire une petite réparation, deux vis neuves pour la gâche de sa serrure, qui branlait dans le bois. Tout