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POt-BOUILLE

-elle au milieu de ses sanglots. Accusez-moi de trop vous coûter… Oh ! je vois clair ! tout ça, c’est à cause de ce méchant cadeau. Si vous pouviez m’enfermer dans une malle, vous le feriez. J’ai des amies, je vais les voir, ce n’est pourtant pas un crime… Et quant à maman…

— Je me couche, dit-il en se jetant au fond du lit. Déshabille-toi et laisse ta maman, qui t’a fichu un bien sale caractère, permets-moi de le constater.

Elle se déshabilla d’une main machinale, pendant que, de plus en plus animée, elle haussait la voix :

— Maman a toujours fait son devoir. Ce n’est pas à vous d’en parler ici. Je vous défends de prononcer son nom… Il ne vous manquait plus que de vous attaquer à ma famille !

Le cordon de son jupon résistait, et elle cassa le nœud. Puis, assise au bord du lit pour ôter ses bas :

— Ah ! comme je regrette ma faiblesse, monsieur ! comme on réfléchirait, si l’on pouvait tout prévoir !

Maintenant, elle était en chemise, les jambes et les bras nus, d’une nudité douillette de petite femme grasse. Sa gorge, soulevée de colère, sortait des dentelles. Lui, qui affectait de rester le nez contre le mur, venait de se retourner d’un bond.

— Quoi ? vous regrettez de m’avoir aimé ?

— Certes, un homme incapable de comprendre un cœur !

Et ils se regardaient de près, la face dure, sans amour. Elle avait posé un genou au bord du matelas, les seins tendus, la cuisse pliée, dans le joli mouvement d’une femme qui se couche. Mais il ne voyait plus sa chair rose, les lignes souples et fuyantes de son dos.

— Ah ! Dieu ! si c’était à refaire ! ajouta-t-elle.

— Vous en prendriez un autre, n’est-ce pas ? dit-il brutalement, très haut.