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POt-BOUILLE

des zincs dorés et des faux marbres. Derrière les hautes portes d’acajou, la dignité conjugale des alcôves exhalait un reproche. Jamais la maison n’avait respiré d’une haleine si vertueuse. Puis, un rayon de lune glissa par les fenêtres des paliers, et l’on eût dit une église : un recueillement montait du vestibule aux chambres de bonne, toutes les vertus bourgeoises des étages fumaient dans l’ombre ; tandis que, sous la pâle clarté, sa nudité blanchissait. Elle se sentit un scandale pour les murs, elle ramena sa chemise, cacha ses pieds, avec la terreur de voir paraître le spectre de M. Gourd, en calotte et en pantoufles.

Brusquement, un bruit la faisait se lever, affolée, sur le point de frapper des deux poings dans la porte de sa mère, lorsqu’un appel l’arrêta.

C’était une voix légère comme un souffle.

— Madame… madame…

Elle regardait en bas, elle ne voyait rien.

— Madame… madame… C’est moi.

Et Marie se montra, en chemise elle aussi. Elle avait entendu la scène, elle s’était échappée de son lit, laissant dormir Jules, écoutant de sa petite salle à manger, où elle se trouvait sans lumière.

— Entrez… Vous êtes trop dans la peine. Je suis une amie.

Doucement, elle la rassurait, lui racontait les choses. Les hommes ne s’étaient pas fait de mal : lui, avec des jurons, avait poussé sa commode contre sa porte, pour s’enfermer ; tandis que l’autre descendait, un paquet à la main, les affaires laissées par elle, ses souliers et ses bas, qu’il devait avoir roulés dans son peignoir, machinalement, en les voyant traîner. Enfin, c’était fini. Le lendemain, on les empêcherait bien de se battre.

Mais Berthe restait sur le seuil, avec un reste de