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LES ROUGON-MACQUART

peur et la honte de pénétrer ainsi chez une dame qu’elle ne fréquentait pas d’habitude. Il fallut que Marie la prît par la main.

— Vous coucherez là, sur ce canapé. Je vous prêterai un châle, j’irai voir votre mère… Mon Dieu ! quel malheur ! Quand on s’aime, on ne se méfie pas.

— Ah ! pour le plaisir que nous prenions ! dit Berthe, dans un soupir où crevait tout le vide bête et cruel de sa nuit. Il a raison de jurer. Si c’est comme moi, il doit en avoir par-dessus la tête !

Elles allaient parler d’Octave. Elles se turent, et tout d’un coup, à tâtons, elles tombèrent aux bras l’une de l’autre, en sanglotant. Leurs membres nus s’étreignaient avec une passion convulsive ; leurs gorges, chaudes de pleurs, s’écrasaient sous leurs chemises arrachées. C’était une lassitude dernière, une tristesse immense, la fin de tout. Elles ne disaient plus un mot, leurs larmes ruisselaient, ruisselaient sans fin dans les ténèbres, au milieu du profond sommeil de la maison, plein de décence.