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POT-BOUILLE

— Ah ! dit-elle, pleine de surprise cette fois.

Pourtant, elle ne le désapprouva pas. Cela allait encore augmenter le scandale, mais l’honneur avait des exigences. Elle se contenta de rappeler qu’elle s’était d’abord opposée à son mariage. On ne devait rien attendre d’une jeune fille qui semblait ignorer tous les devoirs de la femme. Puis, comme Auguste lui demandait où était son mari :

— Il voyage, répondit-elle sans hésitation.

Alors, il se désola, car il ne voulait pas agir avant d’avoir consulté Duveyrier. Elle l’écoutait, sans lâcher la nouvelle adresse, refusant de mettre sa famille dans la désunion de son ménage. Enfin, elle trouva un expédient, elle lui conseilla d’aller trouver M. Bachelard, rue d’Enghien ; peut-être aurait-il là un renseignement utile. Et elle se retourna vers son piano.

— C’est Auguste qui m’a prié de monter, crut devoir déclarer Théophile, muet jusque-là. Veux-tu que je t’embrasse, Clotilde ?… Nous sommes tous dans la peine.

Elle lui tendit sa joue froide, en disant :

— Mon pauvre garçon, il n’y a dans la peine que ceux qui s’y mettent. Moi, je pardonne à tout le monde… Et soigne-toi, tu m’as l’air très enrhumé.

Puis, rappelant Auguste :

— Si ça ne s’arrange pas, préviens-moi, car je serais alors bien inquiète.

L’averse battante des notes recommença, l’enveloppa, la noya ; et, au milieu, tandis que la mécanique de ses doigts tapait les gammes en tous les tons, elle s’était remise à lire gravement la Revue des deux mondes.

En bas, Auguste discuta un instant s’il devait se rendre chez Bachelard. Comment lui dire : « Votre nièce m’a trompé ? » Enfin, il résolut d’obtenir de