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LES ROUGON-MACQUART

trottoir, le cocher déjeunait encore, dans le fiacre ; et il dut secouer les miettes, complètement ivre, tapant en frère sur le ventre de Trublot. Seulement, le cheval, qui, lui, n’avait rien pris, refusa de marcher, avec un branle désespéré de la tête. On le poussa, il finit par descendre la rue de Tournon, comme s’il roulait. Quatre heures étaient sonnées, lorsqu’il s’arrêta rue de Choiseul. Auguste avait gardé le fiacre sept heures. Trublot, resté dedans, déclara qu’il le prenait pour lui et qu’il y attendait Bachelard, auquel il voulait offrir à dîner.

— Vrai ! tu y as mis le temps ! dit à son frère Théophile, qui s’était précipité. Je te croyais mort.

Et, dès que ces messieurs furent entrés dans le magasin, il raconta sa journée. Depuis neuf heures, il espionnait la maison. Mais rien n’y bougeait. À deux heures, Valérie était allée aux Tuileries avec leur fils Camille. Puis, vers trois heures et demie, il avait vu sortir Octave. Et rien autre, on ne remuait même pas chez les Josserand, à ce point que Saturnin, qui cherchait sa sœur sous les meubles, étant monté la demander, madame Josserand, pour se débarrasser de lui sans doute, lui avait fermé la porte au nez, en disant que Berthe n’était pas chez eux. Depuis ce moment, le fou rôdait, les dents serrées.

— C’est bon, dit Bachelard, nous allons attendre ce monsieur. Nous le verrons rentrer d’ici.

Auguste, la tête perdue, faisait des efforts pour rester debout. Alors, Duveyrier lui conseilla de se mettre au lit. Il n’y avait pas d’autre remède contre la migraine.

— Montez donc, nous n’avons plus besoin de vous. On vous fera connaître le résultat… Mon cher, les émotions ne vous valent rien.

Et le mari monta se coucher.

À cinq heures, les deux autres attendaient encore