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POT-BOUILLE

étant forcément tombée sur les femmes, Fifi et Clarisse furent tout le temps expliquées, retournées, épluchées. Bachelard, maintenant, mettait les torts de son côté, pour ne pas avoir l’air, devant le conseiller, d’être lâché salement ; tandis que celui-ci, prenant sa revanche du soir où l’oncle l’avait vu pleurer, au milieu de l’appartement vide, rue de la Cerisaie, mentait sur son bonheur, au point d’y croire et de s’attendrir lui-même. Devant eux, Auguste, que sa névralgie empêchait de manger et de boire, semblait les écouter, un coude sur la table, les yeux troubles. Au dessert, Trublot se rappela le cocher, oublié en bas ; il lui fit porter le reste des plats et le fond des bouteilles, plein de sympathie ; car, disait-il, il avait, à certains détails, flairé un ancien prêtre. Trois heures sonnèrent. Duveyrier se plaignait d’être assesseur dans la prochaine session de la cour d’assises ; Bachelard, très ivre, crachait de côté, sur le pantalon de Trublot, qui ne s’en apercevait pas ; et la journée se serait achevée là, au milieu des liqueurs, si Auguste ne s’était éveillé comme en sursaut.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il.

— Eh bien ! mon petit, répondit l’oncle qui le tutoya, si tu veux, nous allons te tirer gentiment d’affaire… C’est imbécile, tu ne peux pas te battre.

Personne ne parut surpris de cette conclusion. Duveyrier approuvait de la tête. L’oncle continua :

— Je vais monter avec monsieur chez ton particulier, et l’animal te fera des excuses, ou je ne m’appelle plus Bachelard… Rien qu’à me voir, il canera, justement parce que ma place n’est pas chez lui. Moi, je me fiche du monde !

Auguste lui serra la main ; mais il n’eut pas même l’air soulagé, tant ses douleurs de tête devenaient insupportables. Enfin, on quitta le cabinet. Au bord du