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POT-BOUILLE

cherie de petit garçon, qui l’avait poussée à se mal conduire, six mois après son mariage ; non, elle faisait ça sans le vouloir souvent, uniquement parce qu’il lui venait dans la tête des choses dont elle n’aurait pu expliquer le pourquoi. Tout se cassait, elle tombait malade, elle se serait tuée. Alors, comme rien ne la retenait, autant cette culbute-là qu’une autre.

— Bien vrai, jamais de bons moments ? demanda de nouveau Octave, que ce point seul semblait intéresser.

— Enfin, jamais ce qu’on raconte, répondit-elle. Je vous le jure !

Il la regarda avec une sympathie pleine d’apitoiement. Pour rien, et sans joie : ça ne valait sûrement pas la peine qu’elle se donnait, dans ses continuelles peurs d’une surprise. Et il éprouvait surtout un soulagement d’amour-propre, car il souffrait toujours au fond de son ancien dédain. Voilà donc pourquoi elle s’était refusée, un soir ! Il lui en parla.

— Vous vous rappelez, après une crise ?

— Oui. Vous ne me déplaisiez pas, mais j’en avais si peu envie !… Et, tenez ! ça vaut mieux, nous nous détesterions à cette heure.

Elle lui donnait sa petite main gantée. Il la serra, en répétant :

— Vous avez raison, ça vaut mieux… Décidément, on n’aime bien que les femmes qu’on n’a pas eues.

C’était une grande douceur. Ils restèrent un instant la main dans la main, attendris. Puis, sans ajouter une parole, ils poussèrent la porte rembourrée de l’église, où elle avait laissé son fils Camille, à la garde de la loueuse de chaises. L’enfant s’était endormi. Elle le fit agenouiller, s’agenouilla un instant elle-même, la tête entre les mains, comme abîmée au fond d’une ardente prière. Et elle se relevait, lorsque l’abbé Mauduit, qui