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LES ROUGON-MACQUART

— Tu comptes donc l’épouser quand même ? demanda-t-elle.

— Tiens ! pourquoi pas ?… J’ai fait la bêtise de trop attendre. Mais l’enfant va mourir. C’est une fille, elle est toute scrofuleuse.

Et, crachant le mot de maîtresse, dans un dégoût, elle montra sa haine d’honnête bourgeoise à marier, contre cette créature qui vivait depuis si longtemps avec un homme. Une manœuvre, pas davantage, son petit enfant ! oui, un prétexte qu’elle avait inventé, lorsqu’elle s’était aperçue que Verdier, après lui avoir acheté des chemises pour ne pas la renvoyer nue, voulait l’habituer à une séparation prochaine, en découchant de plus en plus fréquemment ! Enfin, on verrait, on attendrait.

— Pauvre femme ! laissa échapper Berthe.

— Comment ! pauvre femme ! cria Hortense avec aigreur. On voit que tu as des choses à te faire pardonner, toi aussi !

Tout de suite, elle regretta cette cruauté, elle prit sa sœur dans ses bras, l’embrassa, lui jura qu’elle ne l’avait pas dit exprès. Et elles se turent. Mais elles ne dormaient pas, elles continuaient l’histoire, les yeux grands ouverts sur les ténèbres.

Le lendemain matin, M. Josserand éprouva un malaise. Jusqu’à deux heures de la nuit, il s’était encore entêté à faire des bandes, malgré un accablement, une diminution lente de ses forces, dont il se plaignait depuis quelque temps. Il se leva pourtant, s’habilla ; mais, au moment de partir pour son bureau, il se sentit si épuisé, qu’il envoya un commissionnaire avec une lettre, voulant prévenir les frères Bernheim de son indisposition.

La famille allait prendre son café au lait. C’était un déjeuner fait sans nappe, dans la salle à manger encore grasse du dîner de la veille. Ces dames venaient en ca-