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POT-BOUILLE

surance ; et lui devrait avouer l’expédient de malhonnête homme auquel il avait consenti.

— Entrez, entrez, mon cher Auguste, dit-il la voix étranglée. Berthe vient de m’avouer la querelle. Je ne suis pas très bien portant, et l’on me gâte… Vous me voyez désespéré de ne pouvoir vous donner cet argent. Ma faute a été de promettre, je le sais…

Il continua péniblement, de l’air d’un coupable qui fait des aveux. Auguste l’écoutait, surpris. Il s’était renseigné, il connaissait la cuisine louche de l’assurance ; mais il n’aurait point osé réclamer le versement des dix mille francs, de peur que la terrible madame Josserand ne l’envoyât d’abord au tombeau du père Vabre toucher ses dix mille francs, à lui. Toutefois, puisqu’on lui en parlait, il partit de là. C’était un premier grief.

— Oui, monsieur, je sais tout, vous m’avez absolument fichu dedans, avec vos histoires. Ce me serait encore égal, de ne pas avoir l’argent ; mais c’est l’hypocrisie qui m’exaspère ! Pourquoi cette complication d’une assurance qui n’existait pas ? Pourquoi se donner des airs de tendresse et de sensibilité, en offrant d’avancer des sommes que vous disiez ne pouvoir toucher que trois ans plus tard. Et vous n’aviez pas un sou !… Une telle façon d’agir porte un nom dans tous les pays.

M. Josserand ouvrit la bouche pour crier : « Ce n’est pas moi, ce sont eux ! » Mais il gardait une pudeur de la famille, il baissa la tête, acceptant la vilaine action. Auguste continuait :

— D’ailleurs, tout le monde était contre moi, Duveyrier s’est encore conduit là comme un pas grand’chose, avec son gredin de notaire ; car je demandais qu’on mît l’assurance dans le contrat, à titre de garantie, et l’on m’a imposé silence… Si j’avais exigé cela, pourtant, vous commettiez un faux. Oui, monsieur, un faux !