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LES ROUGON-MACQUART

Très pâle, le père s’était levé à cette accusation, et il allait répondre, offrir son travail, acheter le bonheur de sa fille de toute l’existence qu’il lui restait à vivre, lorsque madame Josserand, jetée hors d’elle par l’entêtement de madame Dambreville, ne faisant plus attention à sa vieille robe de soie verte dont sa gorge courroucée achevait de crever le corsage, entra comme dans un coup de vent.

— Hein ? quoi ? cria-t-elle, qui parle de faux ? C’est monsieur ?… Allez d’abord au Père-Lachaise, monsieur, pour voir si la caisse de votre père est ouverte !

Auguste s’y attendait, mais il n’en fut pas moins horriblement vexé. Du reste, elle ajoutait, la tête haute, écrasante d’aplomb :

— Nous les avons, vos dix mille francs. Oui, ils sont là, dans un tiroir… Mais nous ne vous les donnerons que lorsque monsieur Vabre sera revenu vous donner les vôtres… En voilà une famille ! un père joueur qui nous fiche tous dedans, et un beau-frère voleur qui colle la succession dans sa poche !

— Voleur ! voleur ! bégaya Auguste, poussé à bout, les voleurs sont ici, madame !

Tous deux, le visage enflammé, s’étaient plantés l’un devant l’autre. M. Josserand, que ces violences brisaient, les sépara. Il les suppliait d’être calmes ; et, secoué d’un tremblement, il fut obligé de s’asseoir.

— En tout cas, reprit le gendre après un silence, je ne veux pas de salope dans mon ménage… Gardez votre argent et gardez votre fille. J’étais monté pour vous dire ça.

— Vous changez de question, fit remarquer tranquillement la mère. C’est bon, nous allons en causer.

Mais le père, sans force pour se lever, les regardait d’un air d’épouvante. Il ne comprenait plus. Que disaient-ils ? Quelle était donc la salope ? Puis,