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POT-BOUILLE

Alors, se tournant contre sa fille, madame Josserand repartit avec plus de violence.

— Toi, je te gardais, attends un peu !… Oui, depuis hier, j’amasse. Mais, je te préviens, ça déborde, ça déborde… Avec ce calicot, si c’est possible ! Tu as donc perdu toute fierté ? Moi, je croyais que tu l’utilisais, que tu étais aimable, juste assez pour lui faire prendre à cœur la vente, en bas ; et je t’aidais, je l’encourageais… Enfin, dis-moi quel intérêt as-tu vu là-dedans ?

— Aucun, bien sûr, balbutia la jeune femme.

— Pourquoi l’as-tu pris alors ? C’était encore plus bête que vilain.

— Tu es drôle, maman : on ne sait jamais, dans ces affaires-là.

Madame Josserand s’était remise à marcher.

— Ah ! on ne sait jamais ! Eh bien ! si, il faut savoir !… Je vous demande un peu, se mal conduire ! mais ça n’a pas une ombre de bon sens, c’est ce qui m’exaspère ! Est-ce que je t’ai dit de tromper ton mari ? est-ce que j’ai trompé ton père, moi ? Il est là, questionne-le. Qu’il parle, s’il m’a jamais surprise avec un homme.

Sa marche se ralentissait, devenait majestueuse ; et elle donnait, sur son corsage vert, de grandes tapes qui lui rejetaient la gorge sous les bras.

— Rien, pas une faute, pas un oubli, même en pensée. Ma vie est chaste… Et Dieu sait pourtant si ton père m’en a fait supporter ! J’aurais eu toutes les excuses, bien des femmes se seraient payé des vengeances. Mais j’avais du bon sens, ça m’a sauvée… Aussi, tu le vois, il n’a pas un mot à dire. Il reste là, sur une chaise, sans trouver une raison. J’ai tous les droits, je suis honnête… Ah ! grande cruche, tu ne te doutes pas de ta bêtise !

Et, doctement, elle fit un cours pratique de morale, dans la question de l’adultère. Est-ce que, main-