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POT-BOUILLE

ment d’entrer dans cette combinaison ; à cent mille francs, il serait encore volé. Puis, très inquiet pour ses échéances d’avril, il s’était rendu aux raisons du conseiller, qui plaidait la cause de la morale et qui parlait uniquement d’une bonne action à faire.

Lorsqu’on fut d’accord, Clotilde choisit l’abbé Mauduit comme négociateur. C’était délicat, un prêtre pouvait seul intervenir, sans se compromettre. L’abbé justement, éprouvait un grand chagrin des catastrophes déplorables qui s’abattaient sur une des maisons les plus intéressantes de sa paroisse ; et il avait déjà offert ses conseils, son expérience, son autorité, pour mettre fin à un scandale dont les ennemis de la religion auraient pu se réjouir. Cependant, lorsque Clotilde lui parla de la dot, en le priant d’aller porter les conditions d’Auguste aux Josserand, il baissa la tête, il garda un silence douloureux.

— C’est de l’argent dû que mon frère réclame, répétait la jeune femme. Comprenez bien que ce n’est pas un marché… D’ailleurs, mon frère s’obstine.

— Il le faut, j’irai, dit enfin le prêtre.

Chez les Josserand, on attendait de jour en jour la proposition. Sans doute, Valérie avait parlé, les locataires discutaient le cas : étaient-ils dans la gêne au point de garder leur fille ? trouveraient-ils les cinquante mille francs pour s’en débarrasser ? Depuis que la question se posait, madame Josserand ne dérageait plus. Eh quoi ! après avoir eu tant de peine à marier une première fois Berthe, voilà qu’il fallait la marier encore ! Rien n’était fait, on redemandait une dot, les ennuis d’argent allaient recommencer ! Jamais une mère n’avait eu à renouveler ainsi de pareils travaux. Et tout cela par la faute de cette grande cruche, qui poussait la stupidité jusqu’à oublier ses devoirs ! La maison devenait un enfer, Berthe y endurait une continuelle tor-