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LES ROUGON-MACQUART

il venait et répondit avec majesté qu’elle était en famille et qu’elle pouvait tout entendre ; le docteur lui-même ne serait pas de trop, car un médecin était, lui aussi, un confesseur.

— Madame, dit alors le prêtre avec une douceur un peu gênée, voyez dans ma démarche l’ardent désir de réconcilier deux familles…

Il parla du pardon de Dieu, appuya sur la joie qu’il éprouverait à rassurer les cœurs honnêtes, en faisant cesser une situation intolérable. Il appelait Berthe malheureuse enfant, ce qui la mit de nouveau en larmes ; et tout cela avec une telle paternité, en termes si choisis, qu’Hortense n’eut pas besoin de sortir. Cependant, il dut en arriver aux cinquante mille francs : les époux semblaient ne plus avoir qu’à s’embrasser, lorsqu’il posa la condition formelle de la dot.

— Monsieur l’abbé, permettez-moi de vous interrompre, dit madame Josserand. Nous sommes très touchés de vos efforts. Mais jamais, entendez-vous ! jamais, nous ne trafiquerons avec l’honneur de notre fille… Des gens qui se sont déjà réconciliés sur le dos de cette enfant ! Oh ! je sais tout, ils étaient à couteaux tirés, et maintenant ils ne se quittent plus, ils nous mangent du matin au soir… Non, monsieur l’abbé, un marché serait une honte…

— Il me semble pourtant, madame…, hasarda le prêtre.

Elle lui couvrit la voix, elle continua superbement :

— Tenez ! mon frère est là. Vous pouvez l’interroger… Il me répétait encore tout à l’heure : « Éléonore, je t’apporte les cinquante mille francs, arrange ce fâcheux malentendu. » Eh bien ! monsieur, l’abbé, demandez-lui quelle a été ma réponse… Lève-toi, Narcisse. Dis la vérité.

L’oncle s’était déjà rendormi sur un fauteuil, au fond