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LES ROUGON-MACQUART

un soulagement immense, une douceur infinie de calme et de repos. Elle était comme morte, elle jouissait de ne plus être.

Puis, les coliques reparurent. Une peur l’éveillait : est-ce qu’elle allait en avoir un second ? Le pis était qu’en rouvrant les yeux, elle venait de se trouver en pleine obscurité. Pas même un bout de chandelle ! et être là, toute seule, dans du mouillé, avec quelque chose de gluant entre les cuisses, dont elle ne savait que faire ! Il y avait des médecins pour les chiens, mais il n’y en avait pas pour elle. Crève donc, toi et ton petit ! Elle se souvenait d’avoir donné un coup de main chez madame Pichon, la dame d’en face, quand elle était accouchée. En prenait-on des précautions, de crainte de l’abîmer ! Cependant, l’enfant ne miaulait plus, elle allongea la main, chercha, rencontra un boyau qui lui sortait du ventre ; et l’idée lui revint qu’elle avait vu nouer et couper ça. Ses yeux s’accoutumaient aux ténèbres, la lune qui se levait éclairait vaguement la chambre. Alors, moitié à tâtons, moitié guidée par un instinct, elle fit, sans se lever, une besogne longue et pénible, décrocha derrière sa tête un tablier, en cassa un cordon, puis noua le boyau et le coupa avec des ciseaux pris dans la poche de sa jupe. Elle était en sueur, elle se recoucha. Ce pauvre petit, bien sûr, elle n’avait pas envie de le tuer.

Mais les coliques continuaient, c’était comme une affaire qui la gênait encore et que des contractions chassaient. Elle tira sur le boyau, d’abord doucement, puis très fort. Ça se détachait, tout un paquet finit par tomber, et elle s’en débarrassa en le jetant dans le pot. Cette fois, grâce à Dieu ! c’était bien fini, elle ne souffrait plus. Du sang tiède coulait seulement le long de ses jambes.

Pendant près d’une heure, elle dut sommeiller. Six