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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/103

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L’AMI FRITZ.

jours et les noisettes auront leurs pompons, les sureaux et les lilas auront leurs grappes, tous les genêts de la côte seront fleuris, on ne trouvera que des violettes à l’ombre des haies.

— Et, dit la mère Orchel, Sûzel qui pensait vous servir de petits radis un de ces jours.

— Que voulez-vous, répondit Fritz, je ne demanderais pas mieux que de rester ; mais j’ai de l’argent à recevoir, des quittances à donner ; j’ai peut-être des lettres qui m’attendent. Et puis, dans une quinzaine, je reviendrai poser les grilles, alors je verrai tout ce que vous me dites.

— Enfin, puisqu’il le faut, dit le fermier, n’en parlons plus ; mais c’est fâcheux tout de même.

— Sans doute, Christel, je le regrette aussi. »

La petite Sûzel ne dit rien, mais elle paraissait toute triste, et ce soir-là Kobus, fumant comme d’habitude une pipe à sa fenêtre, avant de se coucher, ne l’entendit pas chanter de sa jolie voix de fauvette, en lavant la vaisselle. Le ciel, à droite vers Hunebourg, était rouge comme une braise, tandis que les coteaux en face, à l’autre bout de l’horizon, passaient des teintes, d’azur au violet sombre, et finissaient par disparaître dans l’abîme.

La rivière, au fond de la vallée, fourmillait de poussière d’or ; et les saules, avec leurs longues