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L’AMI FRITZ.

Fritz souriait.

« Écoute, David, fit-il, dans six ou sept mois d’ici, lorsque le poisson sera rare, et que tu auras fait ton tour sur le marché, le nez long d’une aune, sans rien trouver de bon… — car, vieux, tu aimes aussi les bons morceaux, tu as beau hocher la tête, tu es de la race des chats, et le poisson te plaît…

— Mais, Kobus, Kobus ! s’écria David, vas-tu maintenant me faire passer pour un épicaures de ton espèce ? Sans doute, j’aime mieux un beau brochet qu’une queue de vache sur mon assiette, cela va sans dire ; je ne serais pas un homme si j’avais d’autres idées ; mais je n’y pense pas d’avance, Sourlé s’occupe de ces choses.

— Ta ! ta ! ta ! fît Kobus ; quand, dans six mois, je t’enverrai des plats de truites, avec des bouteilles de forstheimer, à la fête de Simres-Thora[1], nous verrons, nous verrons si tu me reprocheras mon réservoir. »

David sourit.

« Le Seigneur, dit-il, a tout bien fait ; aux uns il donne la prudence, aux autres la sobriété. Tu es prudent ; je ne le reproche pas ta prudence, c’est un don de Dieu, et quand les truites viendront, elles seront les bienvenues.

  1. Fête de réjouissance en mémoire de la promulgation de la Loi au peuple juif.