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L’AMI FRITZ.

c’est dommage que vous n’ayez pas été de notre grande société chorale de Johannisberg ; on n’aurait entendu que vous. »

Il se mettait alors à raconter, comme de son temps, — il y avait de cela trente-cinq à quarante ans, — il existait une société de tonneliers, amateurs de musique, dans le pays de Nassau ; que, dans cette société, on ne chantait qu’avec accompagnement de tonnes, de tonneaux et de brocs ; que les canettes et les chopes faisaient le fifre, et que les foudres formaient la basse ; qu’on n’avait jamais rien entendu d’aussi moelleux et d’aussi touchant ; que les filles des maîtres tonneliers distribuaient des prix à ceux qui se distinguaient, et que lui, Schweyer, avait reçu deux grappes et une coupe d’argent, à cause de sa manière harmonieuse de taper sur une tonne de cinquante-trois mesures.

Il disait cela tout ému de ses souvenirs, et Fritz avait peine à ne pas éclater de rire.

Il racontait encore beaucoup d’autres choses curieuses, et célébrait la cave du grand-duc de Nassau, « laquelle, disait-il, possède des vins précieux, dont la date se perd dans la nuit des temps. »

C’est ainsi que le vieux Schweyer égayait le travail. Ces propos joyeux n’empêchaient pas les bouteilles de se remplir, de se cacheter et de se