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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/136

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L’AMI FRITZ.

aviez l’air de m’ouvrir en quelque sorte les portes de la tombe, et c’était abominable quand on considère que je ne vous avais rien fait. D’ailleurs, la vieillesse n’est pas crime ; chacun désire devenir vieux ; vous le deviendrez peut-être, monsieur Kobus, et vous comprendrez alors votre indignité. Maintenant, vous me faites tomber de la cire sur les mains par malice.

— Comment, par malice ? s’écria Fritz stupéfait.

— Oui, par malice ; vous riez de tout !… Même en ce moment, vous avez envie de rire ; mais je ne veux pas être votre hans-wurst[1], entendez-vous ? C’est la dernière fois que je travaille avec un braque de votre espèce. »

Ce disant, Schweyer détacha son tablier, prit sa tarière, et gravit l’escalier.

La véritable raison de sa colère, ce n’étaient ni le Miserere, ni les gouttes de cire, c’était l’oubli du steinberg.

Kobus, qui ne manquait pas de finesse, comprit très-bien le vrai motif de sa colère, mais il ne regretta pas moins sa maladresse et son oubli des vieux usages, car tous les tonneliers du monde ont le droit de boire un bon coup du vin qu’ils mettent

  1. Polichinel allemand.