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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/161

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L’AMI FRITZ.

de sa chaise, le nez en l’air, et en se balançant comme un malheureux :


« Donne-moi ton cœur,
« Donne-moi ton cœur…
« Ou je vas mourir… ou je vas mourir.
« Je vas mourir… mourir… mourir !… »

De sorte qu’à la fin, la sueur lui coulait sur la figure.

Sûzel, toute rouge, et comme honteuse d’une pareille chanson, se penchait sans oser le regarder ; et Kobus s’étant retourné pour lui entendre dire : « Que c’est beau ! que c’est beau ! » il la vit ainsi soupirant tout bas, les mains sur ses genoux, les yeux baissés.

Alors lui-même, se regardant par hasard dans le miroir, s’aperçut qu’il devenait pourpre, et ne sachant que faire dans une circonstance aussi surprenante, il passa les doigts du haut en bas et du bas en haut du clavecin, en soufflant dans ses joues et criant : « Prrouh ! prrouh ! » les cheveux droits sur la tête.

Au même instant, Katel refermait la porte de la cuisine, il l’entendit, et, se levant, il se mit à crier : « Katel ! Katel ! » d’une voix d’homme qui se noie.

Katel entra :

« Ah ! c’est bon, fit-il. Tiens… voilà Sûzel qui t’attend depuis une heure. »