Aller au contenu

Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
L’AMI FRITZ.

bourdonnait et frissonnait jusque dans ses petites jambes. Et quand Kobus entendait la petite Sûzel soupirer tout bas : « Oh ! que c’est beau ! » cela lui donnait une ardeur, mais une ardeur vraiment incroyable ; il ne se sentait plus de bonheur.

Après le Siège de Prague, il joua la Cenerentola ; après la Cenerentola, la grande ouverture de la Vestale ; et puis, comme il ne savait plus que jouer, et que Sûzel disait toujours : « Oh ! que c’est beau, monsieur Kobus ! oh ! quelle belle musique vous faites ! » il s’écria :

« Oui, c’est beau ; mais si je n’étais pas enrhumé, je te chanterais quelque chose, et c’est alors que tu verrais, Sûzel ! Mais c’est égal, je vais essayer tout de même ; seulement je suis enrhumé, c’est dommage. »

Et tout en parlant de la sorte, il se mit à chanter d’une voix aussi claire qu’un coq qui s’éveille au milieu de ses poules :


« Rosette,
« Si bien faite,
« Donne-moi ton cœur, ou je vas mourir ! »

Il balançait la tête lentement, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles, et chaque fois qu’il arrivait à la fin d’un couplet, pendant une demi-heure il répétait d’un ton lamentable, en se penchant au dos