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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/172

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L’AMI FRITZ.

Hâan ayant déposé le fouet dans un coin, sous son coude, fumait aussi tout rêveur, comme il arrive au milieu des brouillards, où l’on ne voit pas les choses clairement.

Le soleil jaune avait de la peine à dissiper ces masses de brume, le Losser grondait derrière le talus de la route ; il était blanc comme du lait, et malgré son bruit sourd, il semblait dormir sous les grands saules.

Parfois, à l’approche de la voiture, un martin-pêcheur jetait son cri perçant et filait ; puis, une alouette se mettait à gazouiller quelques notes. En regardant bien, on voyait ses ailes grises s’agiter en accent circonflexe à quelques pieds au-dessus des champs, mais elle redescendait au bout d’une seconde, et l’on n’entendait plus que le bourdonnement de la rivière et le frémissement des peupliers.

Kobus éprouvait alors un véritable bien-être ; il se réjouissait et se glorifiait de la résolution qu’il avait prise d’échapper à Sûzel par une fuite héroïque ; cela lui semblait le comble de la sagesse humaine.

« Combien d’autres, pensait-il, se seraient endormis dans ces guirlandes de roses, qui t’entouraient de plus en plus, et qui, finalement, n’auraient été que de bonnes cordes, semblables à