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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/249

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L’AMI FRITZ.

Fritz avait perdu la partie ; Hâan, lui frappant sur l’épaule, s’écria tout joyeux :

« Tu es fort, Kobus, tu es très-fort ! Prends seulement garde, une autre fois, de ne pas défoncer le ciel, du côté de Landau. »

Alors ils s’assirent, en manches de chemise, autour de la petite table moisie. On se mit à l’œuvre. Tout en riant, chacun se dépêchait de prendre sa bonne part de la friture ; les fourchettes d’étain allaient et venaient comme la navette d’un tisserand ; les mâchoires galopaient, l’ombre de la charmille tremblotait sur les figures animées, sur le grand plat fleuronné, sur les gobelets moulés à facettes et sur la haute bouteille jaune, où pétillait le vin blanc du pays.

Près de la table, sur sa queue en panache était assis Mélac, un petit chien-loup appartenant au Panier-Fleuri, blanc comme la neige, le nez noir comme une châtaigne brûlée, l’oreille droite et l’oeil luisant. Tantôt l’un, tantôt l’autre, lui jetait une bouchée de pain ou une queue de poisson, qu’il happait au vol.

C’était un joli coup d’œil.

« Ma foi, dit Fritz, je suis content d’être venu ce matin, je m’ennuyais, je ne savais que faire ; d’aller toujours à la brasserie, c’est terriblement monotone.