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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/262

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L’AMI FRITZ.

Il ouvrit les trois grands placards, qui descendaient du plafond jusqu’au parquet. Mme Kobus la mère, et la grand’mère Nicklausse avaient eu l’amour du beau linge, comme le père et le grand-père avaient eu l’amour du bon vin. On peut se figurer, d’après cela, quelle quantité de nappes damassées, de serviettes à filets rouges, de mouchoirs, de chemises et de pièces de toile se trouvaient entassés là dedans ; c’était incroyable. La vieille Katel passait la moitié de son temps à plier et déplier tout cela pour renouveler l’air ; à le saupoudrer de réséda, de lavande et de mille autres odeurs, pour en écarter les mites. On voyait même tout au haut, pendus par le bec, deux martins-pêcheurs au plumage vert et or, et tout desséchés : ces oiseaux ont la réputation d’écarter les insectes.

L’une des armoires était pleine d’antiques défroques, de tricornes à cocarde, de perruques, d’habits de peluche à boutons d’argent larges comme des cymbales, de cannes à pomme d’or et d’ivoire, de boîtes à poudre, avec leurs gros pinceaux de cygne ; cela remontait au grand-père Nicklausse, rien n’était changé ; ces braves gens auraient pu revenir et se rhabiller au goût du dernier siècle, sans s’apercevoir de leur long sommeil.